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  • : Les Humeurs de Svetambre
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  • Lucie Chenu
  • Je suis un être humain, Yeah ! et comme tout être humain, je possède trop de facettes, trop d'identités, pour les définir en moins de 250 caractères. Vous devez donc lire mes articles !
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3 mars 2014 1 03 /03 /mars /2014 00:16

On va faire simple.

 

L’art, c’est la vie et c’est aussi la liberté. Les artistes (plastiques, littéraires, musiciens, etc.) ont besoin de vivre du fruit de leur travail pour créer. Ils ont besoin de vivre, comme tout un chacun, et de vivre de leur travail pour s’épanouir1 en toute liberté dans leur art, ou plutôt pour que leur art s’épanouisse. Leur couper les ailes, leur mettre des bâtons dans les roues, les enfermer dans des cages administrativo-juridiques ou politicommerciales, c’est les castrer.

C’est couper leur inspiration, c’est les pousser dans « le monde du travail », le « vrai », celui qui abrutit les corps et les âmes.sil

C’est les empêcher de rêver et de faire rêver autour d’eux. C’est les empêcher aussi (surtout ?) de transmettre leur idéal de liberté.

 

La culture sans artistes, c’est au choix la culture d’État ou la soupe d’hypermarchés. Voire un mix entre les deux2.

 

C’est totalement flippant. Et ce qui l’est plus encore, c’est de voir les tenants du « libre », ceux qui confondent la liberté avec la gratuité, pousser à la roue pour détruire, encore et encore, les artistes, les penseurs, les créateurs.

 

L’art n’est pas gratuit. Jamais. La liberté, la vie ne sont pas gratuites. Elles s’offrent ou se gagnent, à la sueur du front ou au sang versé – non, je ne pense pas qu’aux révolutions, mais aussi par exemple au fait de donner la vie, d’accoucher – et elles ont un coût, toujours. L’art, aussi, coûte. Des heures d’apprentissage et de travail, des idées et des larmes, de l’inspiration... Tout cela plus ou moins selon les gens, bien sûr. Nous sommes tous différents et inégalitaires devant le talent. Hélas mais tant mieux.

 

L’art n’est jamais gratuit, mais il peut s’offrir, se donner à lire, à voir, à entendre. Parfois pour pas un rond, gratuitement. Souvent non, parce qu’en plus de donner de soi, l’artiste doit dépenser de l’argent en toiles et pigments, en ordinateurs et logiciels, en cordes de guitare et en cymbales, en pellicules argentiques ou en DVD, etc. Et puis l’artiste doit vivre, aussi, et pas seulement d’art et d’air pur, mais aussi de pain et de vin, de viande ou de clopes, payer son toit et ses soins3, sa TVA et toutes les autres joyeusetés qui font notre vie à tous, que nous nous considérions ou non comme des créateurs...

 

Alors, non, l’accès à l’art n’est pas toujours gratuit, pas toujours free. Parce que la liberté n’est pas gratuite. Freedom is not free. Et confondre les mots et les notions, dans ce domaine comme dans celui du droit d’auteur qui n’est pas le copyright4, revient à désinformer – ce qui est, vous l’aurez compris, un doux euphémisme pour ne pas dire « mentir » – et à manipuler.

 

Et, oui, il est juste et normal que les artistes, les auteurs soient rémunérés. Et plus juste et plus normal encore qu’ils décident eux-mêmes du devenir de leur œuvre, de sa publication ou non-publication, et qu’on leur demande l’autorisation avant toute reproduction à destination du public5, de quelque nature que ce soit.

 

EDIT : il faut lire cet autre billet de Lionel Davoust.

 

(inspiré par et dédié à Léa Silhol, Franck Macrez et Lionel Davoust)

 

1Ne vous leurrez pas : certains grands anxieux sont de grands artistes, ils s’épanouissent tout de même dans leur art, à leur manière.

2Comme le dit Léa Silhol, « présenter la limitation du droit des auteurs comme favorable au bien du public est la blague du siècle ».

3Oui, parce que l’artiste tombe malade, comme tout un chacun. Mais lui, c’est sa faute, c’est la clope ou le vin.

4Je vous renvoie à l’excellent article de Lionel Davoust, et à la lettre ouverte du S.E.L.F. aux eurodéputés.

5Mais dans le privé, chacun fait bien ce qu’il veut, apprendre un texte par cœur, chanter à tue-tête, copier des tableaux de maîtres ou se torcher avec un livre !

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Published by Lucie Chenu - dans Coup de gueule
26 mai 2013 7 26 /05 /mai /2013 11:05

« La fête des Mères, c'est limite », m'a dit une amie. Ce à quoi je lui ai répondu :

« Certes, mais à la limite de quoi ? »

— Limite quant au féminisme. »

 

Et là, je vois pas le rapport.

 

Est-ce que la journée de l'esclavage est une insulte envers les blancs ?

Est-ce que la journée de l'Europe est une déclaration de guerre envers les États-Unis ?

Est-ce que la journée internationale du rire a pour but de se moquer des dépressifs ?

Est-ce que la journée internationale des Rroms est un affront fait aux sédentaires ?

Est-ce que la journée internationale des infirmières est une insulte envers les médecins – ou les malades ?

Est-ce que la fête de la musique offense les sourds ?

Est-ce que la journée internationale de la mer fait trembler les montagnes ?

 

 

Est-ce que le droit pour les homosexuels de se marier est une agression envers les hétérosexuels ? Est-ce que cela les prive de quelque droit civique que ce soit  ?

 

Ah, c'est vrai, certains le croient. Ou font croire qu'ils le croient, pour parvenir à des fins politiques ou professionnelles, et manipulent les gogos en leur mentant, en jouant sur les peurs irrationnelles que tout un chacun entretient, malgré soi. C'est pire. C'est mille fois pire.

 

Et aujourd'hui, c'est vrai, la fête des Mères a des relents nauséabonds d'anti-féminisme et de pétainisme.

 

Mais ça n'est pas parce que certains tentent d'en récupérer la symbolique qu'il faut les croire ! Ça serait aller dans leur sens, ça serait les appuyer !

 

Et ce n'est pas ce que je veux, oh non  !

 

(Dans le même ordre d'idées, je trouve débile de supprimer le mot « race » du Code civil. Ça n'aidera pas à lutter contre le racisme, au contraire. Ça contribuera à le nier, à le cacher, ce qui le fera grossir, tel un abcès purulent jamais percé. Et ça non plus, je ne le veux pas.)

 

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Published by Lucie Chenu - dans Coup de gueule
5 mai 2013 7 05 /05 /mai /2013 16:53

 

  On aurait pu croire, l'an dernier, tandis que les parlementaires discutaient de la loi sur les livres indisponibles du XXe siècle, qu'elle avait pour but de déposséder les auteurs de leurs droits au profit des éditeurs. Et de fait, c'est le cas. Pourtant, des éditeurs s'insurgent publiquement contre cette loi qui les empêche de travailler.

 

On aurait pu croire aussi que les grands gagnants de l'histoire seraient les lecteurs qui auraient accès, par le miracle de la numérisation de masse, aux livres qu'ils cherchent en vain chez les bouquinistes, et les grands perdants les libraires qui verraient leur chiffre d'affaires diminuer comme peau de chagrin. Et de fait, c'est le cas. Enfin, c'est le cas, mais c'est faux. Carles livres seront proposés à la numérisation, à leur éditeur d'origine tout d'abord, puis, si celui-ci n'est pas intéressé, à d'autres éditeurs numériques qui peuvent, eux aussi, ne pas être intéressés.

 

La situation créée par ReLIRE est bien plus complexe qu'elle n'en a l'air. C'est, comme je le disais il y a peu, une véritable usine à gaz dont chaque jour nous découvrons une nouvelle facette. Et il est très difficile de faire comprendre où ça coince à qui ne connait pas l'édition, ou bien la connait mais ne vit pas de droits d'auteurs. 

 

Rappel : la loi relative à l'exploitation numérique des livres indisponibles du XXe siècle a été votée le 1er mars 2012. Elle modifie le Code de la Propriété intellectuelle  de façon à autoriser la numérisation des œuvres indisponibles sous droit (c'est-à-dire qui ne sont pas dans le domaine public) du XXe siècle, sans même en demander l'autorisation à leurs auteurs. Leurs ouvrages entreront en gestion collective et seront proposés en priorité à leur premier éditeur, celui grâce à qui le livre est indisponible, pour exploitation numérique. Si celui-ci refuse, proposition est faite à un autre éditeur, sans exclusivité. L'auteur ne touchera pas moins que l'éditeur – et à ce stade, ne me demandez pas de quel éditeur je parle, je ne le sais pas, et le pire, c'est que je crois que le législateur non plus. 

(OK, en fait, on le sait : il s'agit de l'éditeur fainéant, de celui qui, parce qu'il a cessé de travailler le livre, a provoqué son indisponibilité. Oui, vous avez bien lu ; il sera payé pour avoir cessé de travailler. C'est un nouveau concept, made in France.)

Le droit d'auteur est attaqué, et les écrivains qui le souhaiteraient auront bien du mal à s'opposer à un acte dont ils ne seront pas avertis..

 

L'auteur peut s'opposer à l'entrée en gestion collective de ses livres, il a pour cela un délai de six mois à compter de leur inscription en base. Tous les ans, le 21 mars, une nouvelle liste de 60 000 ouvrages est mise en ligne sur le site dédié de la BnF : ReLIRE. L'ayant droit aussi, peut s'y opposer, à condition de fournir un acte de notoriété (250 €, chez un notaire). L'un et l'autre doivent avoir Internet, car aucune information ne leur sera prodiguée.

 

Rectificatif : depuis peu, l'organisme qui a été choisi pour la gestion de ces livres numériques, la Sofia, prévient ses adhérents par une circulaire et leur conseille de se rendre sur le site de ReLIRE afin de vérifier si leurs œuvres sont concernées, cette année. Mais tous les écrivains ne sont pas adhérents de la Sofia, et les ayants droit ne le sont pas non plus, à moins d'être eux-même écrivains.

 

L'auteur ou l'ayant droit toucheront une somme dont on sait juste qu'elle ne sera pas moindre que celle que touchera l'éditeur. Mais à part ça, on ne sait pas combien les livres numériques coûteront, ni s'ils contiendront des DRM, ni quel sera le pourcentage du prix de vente HT que toucheront les auteurs, les traducteurs, les co-auteurs, les illustrateurs, etc.

 

Comment le saurait-on et pourquoi, puisqu'aucun contrat ne sera signé. Il s'agit bel et bien d'une expropriation des droits d'auteurs.

 

Résultat des courses (je vous la fais brève) :

 

Puisqu'il est question d'argent, vous pensez bien que les livres numériques issus de la gestion collective ne seront pas gratuits. Pourtant, c'est ce que croient nombre de lecteurs. À vrai dire, je pense que l'État joue sur cette ambigüité, fait miroiter ce qui ne sera pas : une masse d'ouvrages introuvables à portée des lecteurs insatiables.

 

En réalité, l'argent prévu pour Gallica (numérisation et mise à disposition gratuite des œuvres du domaine public) est en partie détourné pour la numérisation de ces œuvres sous droit qui seront, elles, payantes. Les lecteurs y perdent.

 

Les œuvres dites « orphelines » (ainsi nommées parce qu'on a perdu toute trace de leurs auteurs et/ou ayants droit), qu'une directive européenne préconise de numériser pour les mettre gratuitement à disposition des lecteurs, rentrent dans le cadre de la loi sur les indisponibles du XXe siècle ; elles seront donc payantes pendant les dix premières années de leur exploitation . Là encore, les lecteurs, les bibliothèques, les chercheurs y perdent.

 

Les livres indisponibles que des auteurs ou leurs ayants droit ont proposés à d'autres éditeurs après avoir récupéré leurs droits, et que ces éditeurs prévoient de publier petit à petit, peuvent se trouver dans « le registre » (i.e. ReLIRE) au mépris des contrats d'édition qui ont été signés. Ces éditeurs peuvent s'opposer à cet opt out, ils ont alors deux ans pour rééditer les ouvrages. C'est un délai très bref, trop pour un éditeur qui compte rééditer petit à petit l'intégrale de tel ou tel écrivain.

edit du 9 mai : on m'a fait remarquer (merci Joëlle :)) que mon paragraphe pouvait être mal interprété. Cette clause protège l'auteur de l'éditeur originel qui promet de rééditer et ne le fait pas. Ou d'un éditeur numérique travaillant avec la Sofia qui s'engage à numériser et ne le fait pas. Elle est donc tout à fait utile. Mais très mal rédigée -- comme tout le reste de la loi ! Quel texte juridique, quel contrat sérieux emploie un mot (ici "éditeur") tantôt dans un sens (l'éditeur de la première édition du livre) tantôt dans un autre (l'éditeur numérique) ?

  La loi concerne tous les livres parus en France, mais le rapport Gaymard préconisait, dans un premier temps, d'en exclure les livres d'auteurs étrangers, en attendant que des lois similaires soient votées et appliquées dans les autres pays. Cependant, le registre a été fait par des branquignols et y on trouve des anthologies, ouvrages collectifs, contenant des traductions de textes d'auteurs étrangers. En particulier des Américains et des Britanniques, lesquels ne sont pas contents comme on peut le lire ici. 

 

Mise à jour : certaines anthologies contenant des textes d'auteurs étrangers ont été ôtées du registre, pour cette année, comme l'explique Léa Silhol. Ce qui pose un problème supplémentaire : celui de la discrimination en fonction de la nationalité de l'auteur, ce qui est illégal en France. À ce stade, on ne peut qu'éclater de rire.

 

La très britannique Society of Authors appelle ses membres à faire preuve de vigilance, tout comme la très américaine Science Fiction & Fantasy Writers of America, dans un mail collectif envoyé à ses adhérents. Hélas, ni les uns ni les autres n'ont compris, semble-t-il, que les auteurs ne sont pas toujours nommés dans ce grand foutoir qu'est ReLIRE et qu'il faut aux auteurs étrangers connaître le titre français de l'anthologie pour laquelle leur texte a été traduit il y a de cela un certain nombre d'années (on parle du XXe siècle, souvenez-vous), s'ils veulent s'opposer à son entrée en gestion collective. Un article récent en anglais explique très bien ce mécanisme, et un mode d'emploi en anglais, guide de survie à destination des auteurs non-francophones, a été mis en place par des auteurs et éditeurs françcettais, scandalisés par l'appropriation des droits numériques sur des ouvrages initialement écrits français ou traduits d'une autre langue.

 

Les lecteurs, eux, semblaient tout d'abord ravis à l'idée d'obtenir gratuitement (croyaient-ils) tous les livres qu'ils n'auraient jamais le temps de lire. Certains ont protesté avec virulence sur le blog d'Hubert Guillaud, où il comparait ReLIRE à un « scandaleux pillage du droit d'auteur organisé par la loi ». Pourtant, certains d'entre eux ont compris qu'ils pourraient bien être les dindons de la farce, ceux qui payent deux fois, tout d'abord en tant que contribuables, et ensuite en achetant les livres numériques issus de ReLIRE.

 

D'ailleurs, il est des lecteurs que l'opération scandalise, au point qu'il existe une pétition des lecteurs contre ReLIRE ! On peut la signer ici. Les auteurs peuvent aussi, bien sûr, toujours signer la pétition des auteurs contre la loi sur les Indispobibles initiés l'an dernier. 

 

 

 

Quant aux écrivains, certains tentent d'en prévenir le plus grand nombre possible et ont parfois bien du mal à faire comprendre de quoi il s'agit aux auteurs parfois âgés – on parle du XXe siècle, là – ou à leurs ayants droit. La Nitchevo Factory se consacre à l'information, et liste les auteurs alertés, ainsi que les éditeurs qui ont pris position publiquement.

 

 

Mais combien d'autres ne seront jamais avertis que leur œuvre est confisquée, au nom de la Loi et au nom d'un profit dont ils ne toucheront, au mieux, que quelques cents ?

 

edit : J'attendais avec impatience de pouvoir l'annoncer : a été déposé un recours pour Excès de Pouvoir contre le décret publié au JO le 1er mars 2013 portant application de la loi du 1er mars 2012 sur la numérisation des œuvres indisponibles du XXe siècle.

 

 

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Published by Lucie Chenu - dans Coup de gueule
8 mars 2013 5 08 /03 /mars /2013 15:48

Je ne voulais pas parler de la Journée internationale des droits de la femme. Je ne voulais pas, parce que je savais que ça serait comme chaque année une vaste mascarade. Qu'on dirait « journée de la femme », comme on parlerait de la journée du labrador à queue ridicule, et que le message de cette journée serait totalement biaisé, détourné, piétiné.

 

Je ne voulais pas, et puis voilà que je suis tombée sur un blog qui fait un « Top 10 des blogueuses françaises ».

 

Cet article stipule « Elles sont toutes pétillantes, parlent de mode, cuisine ou simplement de leurs vies » et se termine par « Il existe des blogs sur de nombreux sujets différents, allant de la beauté, à la mode, en passant par la lecture ou la cuisine ». Du coup, ça m'a un poil agacée et j'ai commenté, là-bas. Je reprends ces commentaires ci-dessous.

 

Pauvre de moi, sur mon blog, je parle d’édition, d’écriture, de politique, d’immigration, d’homophobie, d’exclusion, de cinéma, de musique, d’identités multiples… et j’en passe !
Que suis-je ? Une mutante ?

 

Ah oui, et d'agriculture. D'élevage de chevaux et d'apiculture, très précisément ^^

 

Blague à part (quoique, en fait, ça n'était pas une blague), moi aussi le côté « girly » m'offense. Parce que la mode, la cuisine et le ménage sont des corvées et qu'il m'a fallu lutter toute ma vie contre l'idée reçue que, parce que j'étais née fille, ça devait m'intéresser, que je devais me maquiller et m'habiller bien avec des fringues pas confortables, et puis porter des talons hauts qui font cambrer les reins, ressortir les fesses et causent de terribles maux de dos.

 

Donc, oui, franchement, que la « Journée internationale des droits des femmes » soit réduite à « journée du girly, de la mode et de la cuisine », je trouve ça offensant. Parce que durant cette journée, on devrait se souvenir des fillettes excisées, mariées contre leur gré, des femmes battues, de celles qui n'ont pas le droit de vote, le droit d'aller à visage découvert, d'aller où bon leur semble, de celles qui pour le même travail touchent moins que leurs collègues masculins, de celles qui sont violées et qu'on traite d'allumeuses, voire qu'on oblige à épouser leur violeur ou qu'on met en prison…

 

C'est ça, la « Journée internationale des droits des femmes ».

 

Ça ne veut pas dire que je pense que les blogs sur la mode ou la cuisine valent moins que les autres. Ce n'est pas parce que c'est pas ma tasse de thé que je porte un jugement de valeur. On a tous – et surtout toutes – le droit d'avoir des goûts différents, d'en parler ou non. De la même manière, je ne porte aucun jugement de valeurs sur les femmes qui choisissent d'avoir des enfants ou celles qui n'en veulent pas, et sur les blogs que les unes ou les autres peuvent avoir.

 

Ça veut juste dire que tant que « girly » sera l'idéal féminin, on aura à se faire du souci pour nos filles.

 

edit : eh bien en fait, nous étions plusieurs à ne pas vouloir parler de la Journée internationale des droits de la femme, tandis que d'autres avaient des choses à dire. Tout cela s'exprime dans un billet hâtivement bricolé sur C(h)oeurs de Citoyens.

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Published by Lucie Chenu - dans Coup de gueule
2 mars 2012 5 02 /03 /mars /2012 15:53

La SGDL a publié un commentaire sur le texte de la « loi de numérisation des œuvres du XXième siècle » sur son site et sur Actualitté. Le moins que je puisse dire est que cette analyse m'étonne. Ma réponse serait trop longue pour tenir en commentaire d'article, je la publie donc ici, sur mon blog.

 

« I - Pour l'auteur, les intérêts majeurs de la loi,

1/ Dans tous les cas, s'il choisit de rester au sein du dispositif (...) »

 

En fait, non. L'auteur ne choisit pas. Dans la majorité des cas, l'auteur ne sera même pas au courant de la numérisation de son ouvrage puisqu'il est prévu de ne pas lui en demander l'autorisation ; de ne même pas le prévenir!

 

« 2/ Si l’auteur a récupéré ses droits pour l’exploitation « papier » il récupère 100% des droits d’auteur issus de l’exploitation de l’ouvrage par la société de gestion collective »

 

Ça n'est pas ce que dit le texte de loi. Et ça n'est pas non plus ce que dit le communiqué de la SGDL qui parle, plus loin, de 50% des droits d'auteur, le reste allant à l'éditeur en défaut d'exploitation.

 

Enfin et surtout, cet argument est, comment dire... absurde. Lors d'une édition classique (papier ou numérique), l'auteur perçoit 100% des droits d'auteur. Si un auteur souhaite que soit publié en numérique l'un de ses ouvrages indisponibles (ou pas, d'ailleurs), du XXesiècle, il a toute latitude de le proposer à un éditeur numérique qui lui versera 100% des droits d'auteur, qui correspondront à

 

« s’il choisit de rester dans le dispositif ; il peut s’opposer à une exploitation exclusive par l’éditeur d’origine ; il peut à tout moment sortir du dispositif et garde toute sa liberté sur les modalités d’exploitation de ses œuvres, par lui-même ou par un tiers »

 

En fait, non : d'après le texte de loi, l'auteur n'a que six mois à compter d'un événement dont il ne sera pas prévenu, l'inscription de son œuvre dans la base de données pour s'opposer à sa numérisation et à son exploitation par la SPRD. Sans doute la SGDL se base-t-elle sur un ancien texte qui n'est pas celui que les deux Chambres ont adopté. Après ces six mois, il pourra s'opposer à cette exploitation « s’il juge que la reproduction ou la représentation de ce livre est susceptible de nuire à son honneur ou à sa réputation. » (Art. L. 134 4. – I du Code de la Propriété intellectuelle modifié par cette loi) Cette restriction peut être interprétée de façons diverses, et elle risque d'être source de conflits.

 

« 3/ Si l’auteur n’a jamais cédé ses droits numériques ou s’il les a récupérés il peut sortir à tout moment du dispositif et garder toute sa liberté sur les modalités d’exploitation de ses œuvres, y compris dans le cas où les droits pour l’exploitation « papier » seraient toujours détenus par l’éditeur ; »

 

Doublement faux : le délai de six mois, tout d'abord. Ensuite, d'après le texte de loi, l'auteur doit prouver que l'éditeur ne détient pas les droits pour le numérique, ce que bien souvent il ne pourra pas faire, s'il n'a pas conservé les contrats de ses ouvrages parus il y a plusieurs décennies de cela. Les avocats qui se sont penchés sur la question ont particulièrement mis ce point en avant.

 

« 5/ Serai-je averti de la numérisation et de la diffusion de mes livres  ?

Si la SGDL est largement favorable à ce projet, elle est pleinement consciente de la nécessité, pour tous, de veiller à ce que les moyens d’information des auteurs, et de leurs éditeurs, soient suffisants pour permettre, dans la période de six mois, à ceux qui le souhaiteraient de ne pas entrer dans le dispositif. Les associations et les sociétés d’auteurs auront un rôle particulier à jouer pour assurer cette information auprès du plus grand nombre. Ce n’est pas la loi, mais un décret qui définira ces moyens, mais les éditeurs comme les sociétés d’auteurs devront veiller à avertir les auteurs concernés. »

 

Autrement dit, nous n'avons aucune assurance. La loi ne dit pas que les auteurs devront être avertis (les ayants droit encore moins) de l'ajout de leurs œuvres à la base de données, elle dit même le contraire. La SGDL propose d'avertir ses adhérents, ce qui signifie qu'il faudra payer une cotisation pour être prévenu d'un fait légal. Et puis quoi, encore ?

 

« 6/ Les éditeurs qui exploiteront dans le cadre du droit de priorité seront-ils rémunérés en plus de leurs revenus d'exploitation  ? Non. C'est une question qui a été soulevée, puisque les revenus de la société de gestion collective seront répartis entre auteurs et éditeurs, et qu'une priorité sera donnée à l'éditeur d'origine pour l'exploitation. Il conviendra donc de veiller, au sein de la société de gestion et de répartition, à ce que, lorsque les éditeurs d'origine diffuseront eux-mêmes les livres, ils ne perçoivent pas deux fois sur les revenus d'exploitation : en tant qu'exploitant et en tant que titulaire de droit. Il est entendu que le partage à 50% - 50% ne pourrait intervenir que dans les cas où c'est un tiers qui exploite. La SGDL sera particulièrement vigilante sur ce point, qui a été posé comme une condition nécessaire à son accord. »

 

L'un des points particulièrement choquants, dans ce texte de loi, n'est pas qu'un éditeur numérique perçoive un revenu. C'est qu'un éditeur en défaut d'exploitation perçoive des « droits d'auteurs » ! Un partage à 50% - 50% des droits d'auteurs entre l'auteur et l'éditeur en défaut d'exploitation qui sera rémunéré – autrement dit, un entrepreneur qui sera récompensé pour avoir mal fait son travail – c'est scandaleux !

C'est aussi inquiétant, car on peut se demander ce qu'il adviendra en cas d'adaptation cinématographique, audiovisuelle, BD, jeu ou figurines. Cette loi imposera de fait un « droit d'auteur revenant à l'éditeur », autrement dit un copyright.

En outre, l'argument est ridicule – quoique je reconnaisse qu'il est assez bien tourné pour embrouiller l'esprit. On fait miroiter « 50% » de DA aux auteurs. Mais 50% de quoi ? 50% de ce qu'il restera après (je me base sur l'accord cadre que la SGDL a signé avec le SNE, la BnF, le ministère de la Culture et le Commissariat général à l'Investissement, téléchargeable ici) après « rémunération des capitaux investis » et après prélèvement des parts de la SPRD et de l'éditeur numérique, dans le cas où ça n'est pas l'éditeur originel qui exploite l'e-book. Pas 50% du prix de vente du livre numérique – dont on ne sait absolument pas à quel prix il sera vendu, soit dit en passant.

Encore une fois, dans un contrat d'édition classique, après prélèvement des frais d'impression, de diffusion, de distribution et de la part de l'éditeur, l'auteur perçoit 100% des droits d'auteur ! Oui, vous avez bien lu : 100% des droits d'auteur vont à l'auteur.

Il faut se méfier des statistiques et des pourcentages ; on peut leur faire dire ce qu'on veut.

Ce « 50% - 50% » ne correspond à rien, car il n'est nulle part dit à combien – à quel pourcentage – s'élèvera la part de droits d'auteur partagés en deux, entre l'auteur ou ses ayants droit et l'éditeur fainéant.

 

(Et les frais de numérisation, me direz-vous? Eh bien la numérisation sera payée par l'argent public, ce qui est un autre point particulièrement choquant !)

 

« 8/ L'ayant droit est-il dépossédé de ses droits  ? Bien évidemment non. Des commentaires excessifs ont parlé de « confiscation », voire de « propriété nationale » à propos de cette loi. Or le mot « cession » n'est pas utilisé. L'ayant droit fait apport à la société de perception et de répartition (qui est une société civile soumise aux dispositions du Code de la Propriété Intellectuelle) de ses droits, que celle-ci exerce pour lui. C'est précisément parce qu'elle n'est pas cessionnaire des droits que la SPRD agréée doit être explicitement investie de la qualité pour agir en justice. C'est une des principales différences entre cette loi et le principe de l'exception, qui prive l'auteur d'une partie de ses droits. »

 

Bien sûr que oui, les ayants droit sont dépossédés de leurs droits. La SGDL joue sur le double sens des mots « droit » et « ayant droit ». Les ayants droit – je parle ici des héritiers des auteurs – ne seront pas dépossédés de la rémunération allouée aux auteurs, mais ils sont, comme les auteurs, dépossédés de leur droit à être avertis du désir de publication et à lire, discuter et signer un contrat d'édition. En outre, ils sont dépossédés du droit de s'opposer à la publication de l'ouvrage. (Et certes, le mot « cession » n'est pas utilisé, les rédacteurs de ce texte de loi ne sont pas totalement crétins.)

 

Ce n'est pas – pas seulement – le droit patrimonial qui est attaqué, c'est le droit moral, et en particulier le droit de divulgation et le droit de repentir. Or, selon l'article L121-1 al. 2 du CPI2, le droit moral est « perpétuel, imprescriptible et inaliénable (…) transmissible à cause de mort aux héritiers de l'auteur ».

 

J'ose espérer que la SGDL ne considère pas les ayants droit comme des « parasites » (comme je l'ai lu ici ou là sous la plume d'internautes que notre pétition dérangeait) qui ne songent qu'à s'engraisser avec les revenus des œuvres commises par leurs ancêtres. Parce que non, un ayant droit, ça n'est pas ça. Un ayant droit, c'est avant tout l'enfant d'un écrivain. Si après ma mort, mes enfants veulent s'opposer à ce qu'on exploite en numérique l'un ou l'autre de mes textes (à moins bien sûr que j'aie signé un contrat l'autorisant), je veux, moi, qu'ils en aient la liberté, tant que ces textes ne sont pas dans le domaine public. Tout comme je veux avoir le droit de m'opposer à la publication en numérique des ouvrages signés par mes ascendants, ou de choisir (en accord avec ma famille) pour cela l'éditeur de mon choix, de signer avec lui un contrat d'édition et de convenir ensemble du prix de vente du fichier.

 

En résumé, la SGDL dit avoir reçu du ministère de la Culture toutes les assurances que tout se passerait bien pour les auteurs, mais ces assurances ne sont pas inscrites dans le texte de loi. Au contraire, quand on compare les différentes versions qui ont été discutées à l'Assemblée législative et au Sénat, on s'aperçoit que le projet a beaucoup changé, au détriment des bibliothèques et des lecteurs (œuvres orphelines) et au détriment des auteurs et de leurs ayants droit (qui ne sont pas les éditeurs).

 

Pour toutes ces raisons, les explications de la SGDL ne me satisfont pas. Et pour toutes ces raisons, et d'autres encore – que je développerai dès que le temps ralentit, je réclame l'abrogation de cette véritable atteinte au droit d'auteur qu'est cette loi.

 

Et parce que, oui, je trouve anormal que des héritiers puissent profiter des droits d'auteur de leurs ancêtres soixante-dix ans après la morts de ceux-ci, je réclame le raccourcissement du délai avant l'entrée des œuvres dans le domaine public et la véritable gratuité, pour tous les lecteurs (en et hors bibliothèques), des classiques de la littérature, de la philosophie ou des sciences.

 

 

PS  : quelques liens pour compléter, préciser, discuter...

http://www.sivan-avocats.com/oeuvresindisponibles.html

http://bibliobs.nouvelobs.com/numerique/20120227.OBS2372/numerisation-des-oeuvres-indisponibles-cette-nouvelle-loi-est-une-usine-a-gaz.html

http://scinfolex.wordpress.com/2012/02/29/petit-guide-de-survie-juridique-a-lusage-des-auteurs-doeuvres-indisponibles/

et bien sûr, la pétition (à cette heure signée par 1575 personnes)

et le groupe facebook du collectif Le Droit du Serf.

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Published by Lucie Chenu - dans Coup de gueule
27 novembre 2011 7 27 /11 /novembre /2011 13:33

J'entends dire ou je lis parfois des choses que je ne comprends pas. Je ne dois pas avoir les neurones pour. Par exemple, j'entends dire ou je lis que la natalité est en baisse, en France, depuis des années, et que c'est un problème, parce qu'il va y avoir de plus en plus de retraités, et de moins en moins de travailleurs pour cotiser, et donc financer les retraites.

Et puis j'entends dire ou je lis parfois que de plus en plus d'étrangers veulent venir vivre en France, parce qu'ils fuient un pays où on les persécute en « raison » de leur ethnie ou de leurs opinions politiques et qu'ils risquent la mort, ou encore parce que leur situation économique est catastrophique -- la vraie catastrophe, celle dans laquelle les gens n'ont pas accès à l'eau potable ou à la nourriture, ne parlons pas des soins. Et puis, il y a ceux qui viennent étudier en France et qui, une fois leur diplôme en poche, voudraient bien y exercer leur métier, afin de faire profiter leur pays d'adoption de leurs compétences nouvelles. Et plein d'autres raisons de vouloir vivre chez nous, l'amour, l'amitié ou le goût de nos vertes prairies et des rues enfumées de Paris.

Mais voilà, ces gens-là, les étrangers, on n'en veut pas.

Alors moi qui n'y connais rien en politique et pas grand-chose en économie, je voudrais qu'on m'explique une bonne fois pour toutes : pourquoi renvoie-t-on des gens qui demandent à payer impôts taxes et cotisations (parfois même, qui en payent déjà) tout en regrettant que les « Français de souche » ne fassent pas assez d'enfants pour cela ?

Qu'on n'aille pas me sortir que les étrangers coûtent cher, en soins ou en allocations-chômage ! Parce que les enfants dont on regrette qu'ils ne soient pas nés en assez grand nombre, eux aussi, coûteront en soins, en allocations, en frais de scolarité et j'en passe. Ou alors, qu'on me dise clairement que ces enfants qu'on voudrait nous voir pondre n'auront, eux, droit à rien.

Qu'on n'aille pas me dire que les étrangers sont la cause de la crise, ou que les renvoyer aidera à en sortir : rien n'est plus faux et ce prétexte ne sert qu'à désigner un bouc émissaire, à diviser pour mieux régner. Cette crise est financière et, en ces temps où les pauvres sont de plus en plus pauvres et les riches de plus en plus riches, je ne vois pas en quoi dépenser près de 20 000 euros pour reconduire 1 (oui, j'ai bien dit « 1 », et si vous ne me croyez pas, lisez Eolas) étranger à la frontière aidera la France à sortir de l'ornière !

Moi, je veux qu'ils restent, les étrangers, quelles que soient leurs couleurs, leurs nationalités, leurs religions, et même s'ils préfèrent taper dans un ballon à lire de la science-fiction, même s'ils écoutent du rap plutôt que du folk breton. D'abord, mon père était étranger, et s'il n'avait pas vécu en France, je n'existerais pas. Ensuite, mes études de génétique m'ont prouvé que la consanguinité, c'est vraiment pas bon pour la santé. Et pour finir, je digère mieux le couscous que la potée auvergnate.

Et surtout, je préfère la liberté au travail, l'égalité à la famille* et la fraternité à la patrie !

Sans compter que s'ils veulent aider mes enfants** à payer ma retraite, c'est tout bénef, non ?

 

* : je parle évidemment de la notion de famille en tant que valeur, parce que les membres de ma famille, eux, comptent plus que tout (puis faut que je fasse gaffe à ce que j'écris, au cas où ils me lisent ;-))

** : qui sont eux-mêmes petits-enfants d'un étranger, si vous avez bien suivi.

***: oui, j'ai piqué l'idée des notes de bas de page à Jeanne-A Debats, même si je trouve qu'elle en met trop ;-)

 

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Published by Lucie Chenu - dans Coup de gueule