Il y a quelques semaines, j'ai repéré un ouvrage à paraître qui m'intéressait beaucoup : Fiction, féminisme et postmodernité. Les voies subversives du roman contemporain à grand succès, par Anne Larue.
Je connais Anne Larue par Modernités Médiévales, elle était l'une des organisatrice du colloque sur la Fantasy de l'université de Villetaneuse, où j'avais été invitée l'an dernier. Je connais son sérieux (qui n'empêche pas le sens de l'humour) et son enthousiasme pour ses travaux de recherche. Et lorsque j'ai appris cette future parution, j'ai mis le titre dans ma wish list. Que ne l'ai-je commandé immédiatement !
Je viens de recevoir un mail d'Anne Larue, m'informant que Fiction, féminisme et postmodernité a été retiré de la vente par l'éditeur, qui plus est, sans qu'elle, l'auteur, en ait été préalablement informée. Elle ne s'est aperçue de cela qu'en voulant commander quelques exemplaires supplémentaires (elle avait déjà reçu ses exemplaires d'auteur). Elle a donc cherché à savoir ce qui s'était passé, le pourquoi du comment, et on lui a répondu (au téléphone) que c'était pour des raisons « idéologiques » ! Que certains passages étaient trop « polémiques » !
Oui, vous avez bien lu : un essai accepté par un directeur de collection, signé, corrigé, imprimé, publié, est retiré de la vente deux semaines après sa parution par un éditeur, pour des raisons idéologiques.
Pourtant, l'éditeur ne pouvait ignorer ce que l'ouvrage contenait ! Voilà ce qu'en disait la quatrième de couverture, qu'on peut lire sur Fabula, un site consacré à la recherche en littérature.
Anne Larue
Fiction, féminisme et postmodernité. Les voies subversives du roman contemporain à grand succès.
Classiques Garnier
Coll. Perspectives comparatistes
2010
238 p.
ISBN : 978-2-8124-0122-0
39 euros
Présentation de l'éditeur :
Cet essai, consacré à la littérature de l'imaginaire, s'interroge sur la valeur subversive d'un corpus dont on n'aurait a priori pas attendu la moindre velléité de subversion: la littérature contemporaine populaire de très grande diffusion, anglo-saxonne et française. Il montre comment, soumise au choc du backlash (revanche antiféministe des années 80), la fiction grand public choisit une voie souterraine de résistance et garde enfouie la mémoire d'une féminité triomphante qui devient son sujet principal et «occulte». Ce travail engage donc une réflexion sur le caractère paradoxal des best-sellers : la littérature la plus commerciale, la plus «facile», la plus ludique serait-elle celle où s'expriment le mieux les aspirations politiques et théologiques des sociétés occidentales d'aujourd'hui?
Et le livre, qui figurait hier encore sur le site des éditions classiques Garnier, en a été retiré. Le lien donné par le site de l'éditeur, qu'on peut aussi trouver facilement par moteur de recherche, mène à un message d'erreur indiquant que le livre n'existe pas !
Alors, je n'ai pas lu le livre, pas encore. J'ai demandé à l'auteur de m'envoyer les passages incriminés, pour me faire une opinion. Mais je sais une chose : juste après avoir reçu le mail d'Anne, j'en ai reçu un autre, de la parti d'un autre correspondant n'ayant pas entendu parler de cette affaire, et qui disait ceci :
Pour info, sur le site de la ligue des droits de l'homme... une excellent initiative : l'observatoire de la liberté de création... http://www.ldh-france.org/-Observatoire-de-la-liberte-de- Un site dont je recommande la lecture
Et oui, vraiment, la liberté d'expression est de plus en plus attaquée, avec une virulence de plus en plus forte. Sur Internet, dans les livres, les journaux, et où encore ?!
edit : Alba me signale un article très intéressant : http://www.come4news.com/anne-larue-censuree-a-contretemps-par-les-editions-garnier-416670
re-edit : Jef me signale qu'Anne Larue s'exprime dans un commentaire suite à l'article ci-dessus
re-re-edit : une pétition est en ligne : http://www.mesopinions.com/Non-a-la-censure-antifeministe-petition-petitions-c957f843067cba8b2f6c444a22643e04.html
re-re-re-edit : un billet très intéressant (comme toujours) sur le blog d'Irène Delse : http://irenedelse.wordpress.com/2010/06/01/de-quoi-les-editions-classiques-garnier-ont-ils-peur/