La Vestale du Calix
Anne Larue
éditions L'Atalante
coll. La Dentelle du Cygne
illustration de couverture : Genkis
septembre 2011, 224 pages, 14 €
Je vous ai déjà parlé d'Anne Larue, à l'occasion de la parution, suivie du retrait des librairies – autrement dit une censure de la part de son propre éditeur qui avait pourtant accepté l'ouvrage ! –, de son essai Fiction, féminisme et postmodernité. Les voies subversives du roman contemporain à grand succès. Cet essai universitaire traite de la fantasy et de la wicca, et de la façon dont elles font « acte de résistance contre le backlash, revanche antiféministe de nos sociétés occidentales aujourd’hui ». Anne n'en était pas à son premier essai, elle a une biblio assez conséquente dont les titres, alléchants, vont de La femme est-elle soluble dans l'eau de vaisselle ?à Le Masochisme, ou comment ne pas devenir un suicidé de la société, en passant par Une vie de Démocriteet Le Surréalisme de Duchamp à Deleuze… Ça fait envie, non ?
Mais Anne Larue, universitaire atypique, a plus d'une corde à son arc. Et, comme elle l'explique dans une interview, les essais s'adressent à des lecteurs d'essais, et elle souhaitait s'adresser à des lecteurs de fiction. Et puis cette passionnée de fantasy ne pouvait qu'avoir envie de s'essayer au roman. Ce qu'elle a fait, donc, avec La Vestale du Calix, parue chez L'Atalante.
Anna est une vestale, elle a grandi au Vestaliat auquel elle a réussi à accéder, enfant, au cours d'une épreuve qui en a laissé plus d'une sur le carreau – ou plus exactement sur la route où elles sont mortes d'épuisement. Anna est consciencieuse, mais aussi amoureuse, et, à cause d'elle, le Calix Esclarmonde dont elle avait la garde est brisé. Pour un tel crime, Anna devrait passer à l'ébouillanté, mais voilà, son maître a besoin d'un cobaye, elle est donc décorporée – ce qui est moins douloureux. Persuadée d'être morte, elle se retrouve en l'an 4666 où, ma foi, elle trouve que l'après-vie n'est pas si désagréable. Elle devient la co-locataire d'Ankh, belle blonde médiéviste, avec qui elle se cache pour échapper aux matches de trimslop. Elle fabrique des costumes et monte à cheval. Elle est d'ailleurs, semble-t-il, l'une des rares de cette époque à savoir que les chevaux sont intelligents et qu'ils parlent. Mais peut-être ne lui parlent-ils qu'à elle ? Le jour où elle disparaît, Ankh part à sa recherche en compagnie de Holinshed, un cheval qui voyage dans le temps. Ce sera pour Ankh un véritable voyage initiatique.
Vous en ai-je trop dit ? Je ne crois pas. Car connaître le fil de cette histoire à la fois loufoque et grandiose, ça n'est pas l'avoir lue. L'intrigue est passionnante et originale, les personnages attirants, mais surtout on se marre à chaque phrase, alors qu'il est question de choses profondes, voire graves. Souvent, je me laissais aller à l'amusement, et puis tout d'un coup, je prenais brusquement conscience de la portée de ce que je lisais, je découvrais au détour d'un paragraphe qu'il y avait bien plus que ce qu'il semblait. Je suppose que ça tient au style d'Anne Larue, à ses phrases précises et concises qui apportent une fraîcheur à ce qui apparaîtrait glauque sous la plume d'une autre. Il y a quelque chose, dans son ton, qui me fait penser à l'art naïf. Une simplicité qui permet des métaphores plus osées. Une légèreté qui fait passer un message, qu'on est libre de prendre pour le faire sien ou de laisser de côté, et qui, du coup, passe tellement bien…
Et puis, cette histoire, bon sang, tout à la fois classique et terriblement originale… Waouh…!
edti : pour rajouter deux points. 1) j'adore ses chevaux et 2) j'adore la couverture, signée Genkis